XIXe-XXIe siècles
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Le deuxième volume de la Correspondance complète de Rodolphe Töpffer reproduit les lettres écrites ou reçues par lui entre son retour à Genève en juillet 1820, au terme d’un long séjour à Paris, et sa nomination le 17 octobre 1832 comme professeur de rhétorique à l’Académie de Genève.
Au cours de ces douze années de nombreux événements surviendront qui seront décisifs pour son avenir et sa réputation. Après avoir perfectionné sa connaissance des langues anciennes, il sera engagé en qualité de sous-maître dans le pensionnat du pasteur Jean Heyer, et, tout en surveillant ses élèves, il enverra à sa fiancée Kity Moulinié d’extraordinaires missives, rédigées dans des styles divers, destinées à engager celle-ci à l’aimer et à l’épouser. Le mariage conclu en novembre 1823, Rodolphe se brouille avec le pasteur Heyer, et, l’année suivante, ouvre son propre pensionnat sur la promenade Saint-Antoine.
Pour établir sa réputation d’instituteur sérieux, il édite avec un ami les Harangues politiques de Démosthène. Ce qui ne l’empêche pas de composer pour le cercle de ses élèves et de leurs parents les Albums en estampes (les histoires de MM. Jabot, Festus, Crépin, Cryptogame), les récits des Voyages annuels du pensionnat ainsi que des pièces de théâtre, de rédiger la critique des expositions de peinture ouvertes à Genève et d’écrire sa première nouvelle, la Bibliothèque de mon oncle.
Töpffer enverra Cryptogame et Festus à son ami Frédéric Soret de Weimar, qui les soumettra à Goethe quelques semaines avant sa mort. Et c’est l’appréciation admirative de Goethe qui encouragera Rodolphe à les publier enfin.
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La Crise du français consigne les cinq conférences que Charles Bally, professeur de linguistique à l’Université de Genève, a données en 1930. L’ouvrage qui en ressort, court et incisif, encourage le débat sur la langue française et son enseignement. Il explore un des thèmes fondamentaux de la pensée du langage, celui de la " crise " d’une langue telle qu’elle est expérimentée ou imaginée dans la société, à travers la presse, chez les intellectuels et dans les représentations de lhomme ordinaire. Le grand linguiste saisit ce débat pour exposer sa conception de la langue maternelle et des mécanismes de son acquisition par l’enfant ; il développe une critique des opinions dominantes relatives à l’apprentissage et à l’seignement du français, en particulier de la grammaire. Les solutions novatrices qu’il a avancées en 1930 restent intéressantes à discuter et demeurent d’actualité pour la didactique des langues.
L’avant-propos et la postface, par Jean-Louis Chiss et Christian Puech, rétablissent La Crise du français dans le cours de la réflexion linguistique, pédagogique et culturelle depuis la seconde moitié du XIXe siècle.
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" Le monstre n’existe plus " déclare Huysmans en 1889 à la suite des Goncourt. La Décadence, en cherchant à affiner l’intellection de la monstruosité et, d’emblée, se définir, ravive un vieux débat qui avait déjà secoué la littérature, l’art et l’esthétique. Ce livre, issu d’une thèse de doctorat soutenue en Sorbonne en 1993 (prix Marie-Louise Arconati-Visconti, 1994), étudie les monstres mythologiques et féminins ainsi que les phénomènes de foire. Il analyse les rapports qentretiennent l’art et la nature et il évalue l’influence du darwinisme et de l’embryologie sur un imaginaire singulièrement organique, lié au sentiment de dégénérescence et de déclin. Il montre surtout que la genèse des monstres, préseouée par Vladimir Jankélévitch comme une définition de la Décadence, trouve une application dans le langage et installe l’hybridation dans la création. Pour la Décadence, créer le monstre revient à œuvrer contre un monde divinement conçu, à lier jusqu’à la confusion création artistique et procréation et à doter la langue d’un corps. Analyse de mythes réécrits, de thèmes et de motifs revisités, Le Monstre, le singe et le fœtus donne une interprétation du climat décadent et de certains de ses fantasmes. Il s’appuie sur quelque mille cinq cents textes et images, cueillis dans la littérature et l’art de l’Europe occidentale.
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Quêtes entravées d’un objet d’amour fuyant, déni du statut sacré attribué au poète, refus de la modernité sociale: à différents niveaux, l’expérience du deuil traverse et oriente la démarche littéraire de Gérard de Nerval. Une poétique du deuil à l’âge romantique expose comment thèmes et formes de l’œuvre répondent à la question centrale de la finitude. Hanté par une perte indéfinie, l’écrivain procède par deux voies apparemment opposées: la première, fondée sur le langage poétique, entend compenser la privation éprouvée en donnant figure – dans le discours versifié – à un subtil jeu d’inflexions vocales; la seconde en revanche se déploie à travers les récits et les nouvelles qui, tout en faisant état de pertes symboliquement irréductibles, sont appelés à conférer une forme poétique plus libre à la prose. Associant lecture thématique, approche psychocritique et poétique historique, Dagmar Wieser montre comment l’œuvre nervalienne devient lexpression fertile d’un conflit d’intentions. C’est la dialectique entre l’aveu et le déni d’un deuil subi dès l’enfance qui octroie au processus de la création tout son dynamisme.
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À l’occasion de son bicentenaire, la chambre de commerce et d’industrie de Paris a constitué une équipe de spécialistes, huit historiens de l’économie et deux historiens du droit, pour écrire son histoire des origines à nos jours.
L’ouvrage collectif qui en résulte présente huit chapitres. Le premier examine les raisons de l’absence d’une chambre à Paris au XVIIIe siècle et celles de son " oubli " lors des créations de 1802. Les trois suivants mettent en évidence comment, une fois créée, la chambre de la capitale d’un pays déjà centralisé a joué immédiatement un rôle important et croissant tout au long du XIXe siècle, aussi bien dans les débats économiques généraux que dans le développement de Paris et de sa région. Les quatre derniers chapitres montrent comment elle s’est adaptée à la montée de l’interventionnisme de l’Etat et à l’émergence des confédérations patronales et a inscrit son action, multiple, dans un XXe siècle marqué par les conflits mondiaux, la grande crise, puis l’ouverture européenne et mondiale.
À la croisée de l’économie, de la politique et du droit, l’étude permet d’évaluer une institution prestigieuse quoique méconnue et de revisiter à travers elle un pan de l’histoire de France.
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Les frères Goncourt furent des collectionneurs éclairés de l’art français du XVIIIe siècle et des japonisants fervents. Leur œuvre littéraire gagne à être interprétée à la lumière de leur collection. Dominique Pety examine d’emblée le contexte historique dans lequel la collection se définit au XIXe siècle: au cœur d’un conflit de valeurs, tiraillée entre la richesse et la stérilité de l’ancien, elle révèle l’appréhension d’une époque confrontée à la difficulté de renouveler ses codes artistiques. Les Goncourt entendent conjurer cette angoisse en érigeant la collection, telle qu’elle se déploie dans leur maison-musée, en œuvre d’art supérieure. La bibliophilie qu’ils y cultivent relève de la même démarche. Le livre est une pièce de collection, la bibliothèque un espace essentiel du musée, et la description prolonge dans l’écriture les mécanismes de la collection.
C’est toute l’œuvre des Goncourt qui se révèle finalement tributaire de l’esprit de collection et, à travers eux, l’esthétique réaliste et naturaliste: comme l’histoire, compilation de documents, le roman se mue en collecte d’observations. Mieux, par «l’écriture artiste», le style procède à la mise en forme des données recueillies. Ainsi le formalisme esthétique, caractéristique de l’art du second XIXe siècle, renvoie-t-il au modèle de la collection conçue non plus comme une accumulation, mais comme la composition d’un ensemble unifié, sous l’égide de l’art et selon la règle d’un sujet.
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Romancier, dramaturge, diariste, essayiste, Henry Bauchau est d’abord poète. Riche des liens qu’elle a tissés avec les genres ainsi côtoyés, son œuvre poétique accompagne et prolonge le cheminement intérieur exposé dans les autres écrits. Interrogeant un demi-siècle de poésie ininterrompue (de Géologie, 1958 à Exercice du matin, 1999), cet essai critique dégage les rôles que l’écrivain attribue aux représentations du seuil – saisi à même le temps, l’espace, le corps et le discours – ainsi qu’à celles des vertiges qui leur sont étroitement associés. Attentives aux formes, aux thèmes et aux motifs qui, d’un recueil à l’autre, en nourrissent l’univers imaginaire, les lectures proposées par Geneviève Henrot sont ©clectiques. Notamment redevables de la linguistique textuelle et d’une herméneutique inspirée par la psychanalyse, elles lui permettent d’éclairer habilement l’aventure erratique et féconde d’un poète qui se définit comme "natif de [s]es rines surgissantes".
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De tout temps, le nationalisme roumain s’est nourri de références aux traditions paysannes. Le phénomène a été communément expliqué par l’implantation de fortes minorités sur le territoire national. Lorsque les provinces roumaines sont regroupées dans un même Etat en 1921, les minorités nationales représentent en effet 28, 1% de la population totale et 41, 4% de la population urbaine. Après la seconde guerre mondiale, le territoire roumain est ramené à de plus modestes proportions, mais une forte minorité magyare reste néanmoins implantée en Transylvanie. Une clé de lecture semble ainsi se dégager du fait que les autorités poursuivent un objectif d’homogénéisation culturelle, la référence aux valeurs paysannes leur permettant de stigmatiser les minorités implantées dans les villes. L’étude de la mobilisation identitaire antérieure à l’unification du territoire roumain révèle pourtant les limites d’un telle approche : l’enchevêtrement des thématiques nationale et paysanne est observable sans que le statut des minorités n’y fasse encore l’objet d’un questionnement systématique. Elles évoluent dans deux environnements distincts : la Moldavie et la Valachie sont insérées dans l’empire ottoman, tandis que la Transylvanie est partie intégrante de l’empire Habsbourg. Dans chacun des cas, les populations roumaines sont soumises à une tutelle extérieure, tout comme elles sont formées en majorité de paysans. Ainsi deux axes de recherche se dégagent-ils : il convient d’abord de confronter la situation interne à la position externe de la collectivité étudiée, ensuite d’examiner les relations établies entre le sommet de la hiérarchie sociale et sa base paysanne. En croisant ces deux axes, Antoine Roger vise à comparer les différentes occurrences du nationalisme roumain et à en dégager des principes de variation.
Antoine Roger est maître de conférences en science politique à l’Institut d’études politique de Bordeaux. Ses recherches portent sur les comportements politiques en Europe centrale et orientale. Parmi ses publications récentes figurent Les grandes théories du nationalisme (Paris, Armand Colin, Collection " Thema - science politique ", 2001) et Fascistes, communistes et paysans : sociologie des mobilisations identitaires roumaines (1921-1989) (Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2002)